Le 8 mars, et après?

Nous sommes le 8 mars  et comme chaque année à cette même date, nous avons droit au même cirque marketing. « La journée de la femme » est devenu un prétexte pour offrir des bouquets de fleurs, des bons de réduction sur des produits de beauté » et d’autres choses qui ont pour but de permettre aux femmes de se sentir si « spéciales » en cette journée. Tout cela est risible. Le 8 mars n’est pas la « la journée de la femme » mais la Journée Internationale des droits des femmes ! C’est sans doute une évidence pour certaines d’entre vous mais de nombreuses personnes pensent encore que le 8 mars est une célébration de « la femme » comme la fête des mères ou des pères. Je ne peux pas les blâmer car moi-même étant plus jeune, j’ignorais la portée politique du 8 mars et son importance pour la lutte pour les droits des femmes. Il faut reconnaître que la Journée internationale des droits des femmes a été complètement détournée de son sens originel pour devenir un outil marketing de la société capitaliste et consumériste.

Quand on connaît le rôle du capitalisme dans la précarisation des femmes sur le marché du travail, on ne peut que constater qu’il y a une réelle volonté de dépolitiser et délégitimer les luttes féministes. Pour celles et ceux qui l’ignorent , les femmes n’ont pas besoin qu’on leur offre une réduction pour du rouge à lèvres et qu’on leur envoie un sms pour leur souhaiter « joyeuse fête de la femme », toutes ces choses ne contribuent en rien à la fin du patriarcat qui oppresse les femmes au quotidien.

Au-delà de cette récupération mercantile, le 8 mars est l’occasion de faire l’état des lieux des droits des femmes dans le monde. C’est également l’occasion de rappeler que malgré des avancées notables, les discriminations de genre persistent à de nombreux niveaux et qu’il est important de mener des actions afin de les éradiquer. C’est important de le rappeler car de nombreuses personnes (hommes et femmes) ont tendance à penser que les luttes féministes n’ont plus raison d’être en Europe en raison du fait que les femmes ont acquis de nombreux droits. D’ailleurs, lors d’une conversation que j’ai eu avec une personne sur le droits des femmes dans laquelle j’expliquais comment le sexisme et la misogynie étaient prégnants dans la société, celle-ci m’a fait comprendre que j’exagérais car « on n’est plus au Moyen-Âge, les femmes ont acquis beaucoup de droit quand même. » .J’ai dû  rappeler à mon interlocuteur que bien que nous ne soyons plus au Moyen-Âge et que les femmes aient acquis de nombreux droits, les femmes subissent de nombreuses oppressions en raison de leur genres telles que les violences sexuelles, les inégalités salariales, les mutilations génitales féminines , les féminicides, les violences conjugales, le harcèlement sexuel, violences gynécologiques, etc… Les droits acquis grâce aux nombreuses luttes menées par des féministes ne doivent pas être l’arbre qui cache la forêt. Par exemple, ce n’est pas parce les femmes ont acquis le droit de travailler et d’ouvrir un compte en banque sans l’autorisation de leur époux que nous devons fermer les yeux sur la culture du viol qui sévit dans nos sociétés et qui permet la perpétuation des violences sexuelles à l’égard des femmes. En effet, la  société patriarcale dans laquelle nous vivons continuer de perpétuer la domination masculine à travers des mécanismes d’oppression à l’égard des femmes (culture du viol, politique de respectabilité, harcèlement sexuel, contrôle du corps, précarisation de l’emploi ,…) et tant que ceux-ci continueront à exister, la lutte pour l’égalité des droits devra perdurer.

La Journée internationale des droits des femmes permet donc de prendre conscience du chemin qu’il reste à parcourir et des combats à mener pour atteindre l’égalité des droits. Je pense que c’est important aussi de regarder en arrière pour prendre pleinement conscience du chemin parcouru jusqu’à aujourd’hui pour comprendre que les droits dont nous jouissons ont été acquis au prix de longues luttes. Si vous me lisez depuis un moment, vous savez que j’aime l’Histoire, ce qu’elle nous enseigne sur notre présent et que je considère que l’héritage historique est déterminant pour comprendre les luttes féministes contemporaines. Dans cette perspective, je pense qu’il est important de rendre aux hommage aux féministes qui ont ouvert la voie afin que nous puissions aujourd’hui continuer le combat qu’elles ont commencé et jouir des libertés dont nous disposons. Je considère aussi qu’il est important d’être consciente de ce legs historique afin de pouvoir sauvegarder ces acquis. Je dis cela car beaucoup de femmes de ma génération qui ont grandi dans une société où elles ont accès à la contraception et à l’avortement entre autres, peuvent ne pas comprendre que ces droits fondamentaux qui semblent naturels ont été arrachés après des années de luttes des féministes. Ces droits sont précieux et doivent sauvegardés à tout prix. J’insiste là-dessus car dans le contexte mondial où les mouvements populistes, conservateurs et d’extrême droite sont en progression, on observe un recul en matière des droits sexuels et reproductifs comme l’a conclu dans son rapport le Commissaire aux Droits Humains du Conseil de l’Europe. Prenons l’exemple de l’Espagne, où un projet de loi anti-avortement prévoyait de n’autoriser l’avortement qu’en cas de viol, avec plainte préalable ou en cas de grave danger certifié par deux médecins pour la santé physique ou psychologique de la femme enceinte. Ce projet a été retiré face au tollé qu’il a provoqué dans un pays où l’avortement a été légalisé en 2010. Aux Etats –Unis, l’administration Trump a mis en œuvre une politique qui menace les droits des femmes notamment l’accès à l’avortement et à la contraception. En effet, la prise en charge par les employeurs des mesures de contraception dans la couverture santé prévue dans la loi Obamacare a été annulée. De plus, l’accès à l’IVG est compliquée par la création d’une division ministérielle dédiée aux convictions religieuses qui soutiendra le personnel médical qui refusent d’accomplir des actes contraires à leur foi.  

Bien que l’Occident se vante souvent d’être « avancé » en matière de droits des femmes et se permet par ailleurs de faire la leçon à ce sujets aux pays africains, asiatiques ou sud-américains, il n’est pas mauvais de rappeler que les inégalités de genre subsistent encore sur le Vieux Continent et que partout dans le monde les femmes se doivent se battre, à des niveaux différents, pour leur émancipation et leur liberté. L’actualité nous l’a rappelé dernièrement avec la légalisation de l’avortement rejetée au sénat en Argentine ou encore avec la promulgation du code civil guinéen qui octroie de nombreux droits aux femmes mais légalise la polygamie .

Par conséquent, il nous appartient d’être très vigilantes afin de protéger nos acquis et éviter ainsi une régression en matière des droits des femmes. Comme le disait Simon de Beauvoir : « N’oubliez jamais qu’il suffira d’une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Ces droits ne sont jamais acquis. Vous devrez rester vigilantes votre vie durant. »

Pour en revenir au 8 mars, je trouve que cette journée revêt une importance politique, sociale et économique pour les raisons que j’ai énuméré précédemment. Néanmoins, je me pose la question : le 8 mars, et après ?  Je pense qu’il est important de consacrer une journée à faire l’état des lieux des discriminations de genre et dénoncer le sexisme et la misogynie de notre société. Mais que fait -on après ? La lutte contre le patriarcat doit être quotidienne, sans relâche et à tous les instants. Comme je l’ai dit, la lutte féministe est politique, économique et sociale…mais elle est également personnelle et intime. Comment lutter contre le sexisme et la misogynie dans la vie quotidienne? Comment prolonger ce combat politique à un niveau intime ? L’aspect personnel et intime est fondamental à mon sens car en tant qu’individus, produits de la société, nous avons intégré de manière inconsciente des modes de pensées et des mécanismes sexistes et machistes. C’est pour cela que je pense qu’il est important à un moment de se poser ces questions : Comment je contribue à la perpétuation du sexisme ? Comment je peux œuvrer à mon niveau pour déconstruire les stéréotypes de genre ? Ces questions sont essentielles car les droits des femmes concernent toute la société et que chacun.e d’entre nous doit prendre sa prendre sa part de responsabilité dans lutte pour les droits des femmes. Il est important de participer aux manifestations du 8 mars, d’écrire des articles sur son blog (oui, je parle de moi ! lol ) ; de prendre des positions politiques relatives aux droits des femmes ou encore signer des tribunes dénonçant tel incident sexiste mais il faut aussi de poser des actes féministes concrets au jour le jour, d’interroger sa perception de sa condition de femme et ses rapports avec d’autres femmes, d’analyser la manière dont on éduque ses enfants, de questionner le rapport à son corps et à celui d’autres femmes, de mettre en perspective sa relation avec le sexe opposé, etc…..Il s’agit de se déconstruire pour incarner les idéaux qu’on porte et les changements qu’on veut voir dans la société.

Pour ma part, je mentirais si j’affirmais que je suis une féministe totalement déconstruite. Chaque jour, je m’interroge sur mes représentations, je remets en question des certitudes que j’avais et j’essaie d’analyser mon regard sur le monde avec le désir que celui-ci soit le moins excluant et discriminant possible. Ce travail personnel m’importe car il est celui qui me permettra de mener mes luttes à d’autres niveaux et qui conditionnera les actions que j’aurais à mener. Ces luttes et ces actions se feront en accord avec mes convictions féministes profondes.

Pour conclure, le 8 mars est une date symbolique dont la portée internationale démontre la globalité des inégalités de genre. Tant que ces inégalités subsisteront, la Journée internationale des droits des femmes sera nécessaire et il nous faudra nous mobiliser chaque jour pour porter nos revendications et rappeler l’importance de la lutte féministe. Au-delà de cette date importante, il nous appartient de continuer à porter cette lutte au quotidien à tous les niveaux, de prendre position de manière claire contre le sexisme et la misogynie qui gangrènent notre société. Chacun.e d’entre nous a la responsabilité d’agir à son niveau et avec ses moyens pour une société plus juste et plus égalitaire. Le 8 mars ne doit pas être une fin en soi ou un moment « spécial » durant lequel où on se « souvient » de la position des femmes dans la société. Le 8 mars doit une journée parmi de nombreuses journées durant lesquelles nous agissons concrètement pour mettre fin à la domination sociale, économique et politique des femmes. Les actes que nous poserons chaque jour de l’année en faveur de l’égalité de genre contribueront à la lutte pour l’émancipation et la libération des femmes.

Enfin, pour répondre à la question qui titre mon article : Le 8 mars, et après ?  Je répondrais ceci : après le 8 mars , on continue la lutte !

3 réflexions sur “Le 8 mars, et après?

  1. Merci pour ce texte… je vais le partager à mes proches car la plupart des gens Femmes ou Hommes igorent la véritable signification de cette journée.

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