Être noire à 15 ans.

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Il y a une dizaine de jours, dans le cadre d’une collaboration avec Oumou du blog Africashades, j’ai rédigé un article sur ma perception de la beauté noire et mon expérience du colorisme. Aujourd’hui, c’est à son tour de s’exprimer sur son parcours et son vécu d’adolescente noire de 15 ans.

À l’ère actuelle, l’apparence physique a pris une proportion importante dans notre société. Quotidiennement, nous sommes sans cesse bombardés par des normes de beauté qui affectent notre estime de soi, peu importe notre ethnie ou notre sexe. L’estime de soi est un aspect très important pour chaque personne de ce monde. Elle se définit par le sentiment plus ou moins favorable qu’on éprouve envers soi par rapport à ce qu’on est et ce qu’on croit être.

Malgré ce que les gens peuvent croire, bâtir une bonne estime de soi commence au bas âge. Si je devais décrire notre époque, je la décrirais comme étant l’ère de la publicité. En moyenne, nous voyons 3000 publicités par jour et bien souvent, ce sont les enfants et les adolescents qui sont les plus touchés par ces publicités. Durant mon enfance, ces publicités ont énormément affecté mon estime de moi.

Auparavant et encore aujourd’hui, je dirais, les médias ne divulguent qu’un seul standard de beauté : celui d’une femme à la peau parfaite, aux yeux bleus et aux cheveux blonds et lisses qui volent au vent. Lorsque je me regardais dans le miroir, c’était un moment de consternation, je voyais bien que je ne ressemblais aucunement au standard de beauté divulgué. Bien au contraire, j’ai la peau noire, les cheveux crépus et touffus et je suis loin d’avoir un long nez fin et droit. Ne voyant aucune représentation de femmes qui partageaient les mêmes traits que moi, j’ai commencé à croire qu’il y avait un problème avec moi et que si je ne voyais aucune femme noire à la télé c’est que probablement nous n’étions assez belles pour y passer. Heureusement qu’aujourd’hui les choses commencent à changer, que j’ai grandi et que je suis devenu beaucoup plus mature.

À l’enfance, on est très peu conscient de la réalité des choses n’analysant presque aucune situation, on est prêt à croire tout ce que l’on entend surtout si cela vient de la télévision, mais encore plus de la famille. Plus je grandis, plus je réalise que les personnes qui peuvent réellement détruire ton estime de toi sont les membres de la famille. Parfois, un seul commentaire déplaisant venant d’eux a le pouvoir de t’anéantir. Durant toute mon enfance, plusieurs membres de ma famille m’ont répété sans cesse que les cheveux crépus n’étaient pas beaux et que Dieu ne nous avait pas chéri avec ce type de cheveux. Bien sûr, dans un pareil stade de ma vie, j’y ai cru. J’ai donc commencé à me défriser les cheveux à un très jeune âge, soit 6 ou 7 ans. Aujourd’hui, j’ai eu une prise de conscience et j’assume parfaitement mes beaux  cheveux crépus bien qu’au début, lorsque je venais de me lancer dans le naturel, j’avais honte de sortir à l’extérieur avec mes cheveux 4c.

Si à pareil âge, on inculque ce genre de pensées aux enfants, ils grandiront en pensant que les cheveux crépus ne sont pas beaux au lieu d’apprendre à les aimer dans leur plus grande beauté, surtout dans un monde qui ne fait que les dénigrer sans cesse.

Peu importe qui nous sommes,nous ne serons jamais satisfaits de ce qu’on a et de ce que l’on est. L’herbe semble toujours plus verte chez le voisin. Aujourd’hui, les traits de beauté des femmes noires (grosses lèvres, grosses fesses et seins), qui étaient autrefois très mal vus et qui complexaient beaucoup de femmes noires, sont devenus des atouts de beauté pour plusieurs femmes non-noires. Je remarque souvent sur les réseaux sociaux que ces atouts, lorsqu’ils sont appropriés, semblent plus glorifiés que lorsqu’ils sont présents chez les femmes noires (ex : Kim K Braids). Je trouve que c’est plutôt dommage, car plusieurs femmes noires dont moi ont été moquées toute leur vie à cause de ces traits physiques.

Aujourd’hui âgée de 15 ans, je passe par une période de grands changements et de grande vulnérabilité. Plus je grandis, plus je me rends compte de tout le mépris fait envers la femme noire et ça me rend malade. Je la considère comme celle qui est la moins respectée dans la société et qu’on laisse souvent de côté. Les gens ne semblent pas prendre conscience de ce qu’elle vit ou de ce qu’elle ressent comme si elle n’avait pas de voix et elle est souvent abandonnée par ses propres confrères.

Il y a quelques mois, à peine, un nouveau mot est rentré dans mon vocabulaire, le « colorisme ». Comme Aicha, du blog Afrofeminista, l’avait expliqué dans son article en collaboration avec mon blog, le colorisme se désigne par un ensemble de préjugés ou des discriminations fondées sur le fait qu’une peau soit plus ou moins foncée. Tout comme elle l’avait vécu durant son adolescence, j’attire peu les garçons, tout simplement à cause de ma couleur de peau. Je n’ai jamais été leur premier choix. Au contraire, ils sont plutôt attirés par mes amies qui sont métissées, claires ou blanches. Le colorisme est un aspect que je trouve très présent en Afrique et dans sa diaspora. À chaque fois que je pars au Mali, ma terre natale, je constate que les personnes qui ont le teint plus clair sont l’objet de compliments sur leur « beauté », alors que celles ayant le teint plus foncé se font couramment dire « regarde comment tu es foncé, tu n’es pas belle/beau ». À chaque fois que j’entends ce genre de parole, cela me désole, car la couleur de peau ne définit pas la beauté d’une personne et ne devrait même pas être considérée comme un atout de charme.

Je trouve que le colorisme nous divise au sein de notre propre communauté. Pourquoi se diviser entre nous alors qu’aux yeux des autres, que nous soyons claires, foncés ou basanés, nous sommes tous des noirs ?

À 15 ans comme à tout âge de la vie, il est normal d’avoir des insécurités, mais je suis plutôt satisfaite de vivre dans une époque de changements et de prises de conscience, car grâce à internet et aux réseaux sociaux, plusieurs femmes noires osent dénoncer certaines problématiques et célèbrent sans honte leurs attributs. Voir cela est très motivant, car d’autres jeunes filles comme moi sont encouragées à embrasser leur singularité. La beauté n’est pas définie, elle est différente aux yeux de chacun. Il y a quelques semaines, j’ai pu avoir la chance de rencontrer un chef améridien de la tribu des Micmacs qui a eu les paroles suivantes qui m’ont profondément marqué :

«J’ai comme philosophie que chaque personne sur cette Terre est née différente et que depuis tous ces millénaires d’existence terrestre, il n’y a jamais eu deux fois la même personne. Dieu ou l’Univers, peu importe vos croyances, nous a créé tels des flocons de neige. Lorsqu’il neige, c’est des milliards de flocons qui tombent et si on regarde bien chaque flocon, aucun ne se ressemble exactement.»

C’est pour cette raison que je trouve qu’il est important de s’accepter tel que l’on est avec nos défauts et nos imperfections. Il faut apprendre à se connaître et à accepter ses limites pour que se développe une bonne estime de soi. Et surtout, c’est la différence qui fait la beauté de chaque chose.

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3 réflexions sur “Être noire à 15 ans.

  1. Magnifique témoignage d’une jeune fille de 15 ans ! J’ai 20 ans et je ne peux aussi bien m’exprimer qu’elle l’a fait. Personnellement mon objectif le plus compliqué est d’apprendre à m’accepter comme je suis. Je n’aime pas mon nez, ni mes lèvres. Contrairement à ce qui est dit dans l’article, je n’ai pas de grosses fesse comme « toutes » les noires. Par ailleurs, je déteste les généralités. Je pense qu’apprendre à s’aimer comme on est, passe à travers des personnes que l’on aime. Cependant, j’ai 20 ans et je plais soit aux « vieux mecs blancs », aux « négrophiles » ou aux « mecs en chiens ». En bref, le bel arabe ne se retournera pas derrière moi, car, je suis « trop foncé », « mes traits ne sont pas assez fins » et je n’ai pas de « vrai cheveux ». En clair, comme ladite article le cite ci bien, je n’appartient pas à la norme occidentale. Plus j’avance dans ma vie et plus je le vois. Mais je commence petit à petit à m’affirmer en tant que « noire ».
    J’ai fait mon big chop il y a un mois, et c’est vrai que c’est compliqué pour moi de sortir avec mes cheveux sans artifice. J’ai honte alors que je ne devrais pas. De ce fait, je met une perruque afro, même si cela ne me permet d’assumer mes origines africaines à fond.
    Néanmoins, je remarque aussi comme l’auteure, qu’à cause de ce problème de colorisme les femmes noires se divisent davantage. Même moi, je ne veux pas devenir blanche, mais j’aimerai tellement avoir un teint caramel…Pour rassurer ma conscience, je me dis que les blanches aussi veulent être bronzées et par conséquent avoir un teint caramel…
    Ensuite, j’aimerai tellement, que les africains noirs irrespectueux arrêtent de dénigrer les sœurs en les respectant. Cela passe par des coutumes ancestrales jusqu’à des phénomènes plus récents mais tout aussi explicites sur le dénigrement de la femme noire. Par exemple la polygamie qui se pratique dans les pays africains démontrent ce sentiment de soumission de la femme. Je vois ce problème d’un point de vue d’une française naturalisée d’origine africaine. Pour moi, les femmes noires qui sont victimes de cela doivent se rebeller davantage de ce fléau. Certaines finissent par admettre ce statut, sans remettre en question que l’homme domine la femme, alors qu’elle n’a pas le droit d’avoir plusieurs maris.
    Cela me révolte tellement du traitement que nous les femmes noires subissons. Beaucoup trop de préjugés négatifs circulent en notre égard. Dernièrement je regardais une vidéo sur YouTube d’un homme musulman qui s’exprimait à notre propos en citant  » Pourquoi on s’affiche pas avec vos femme noires hein ? elles nous s’intéresse pas avec leur faux cheveux, leur faux ongles ». Ces propos m’ont beaucoup touchés car ils reflètent la pensée de beaucoup d’hommes de n’importe quelle ethnie nous concernant. La femme noire est énervée, parle fort, a des faux cheveux, ne sait pas bien s’exprimer etc.. Alors qu’il y a énormément de femmes noires qui ne sont pas du tout comme ça! Ca me révolte car je déteste les généralités. Après cet homme qui a tenu ces propos est surement faible d’esprit, donc je devrai faire abstraction de ces paroles, mais je n’y arrive pas, car ça me blesse énormément. J’aimerai que ces mentalités évoluent et cela ne peut se passer que si plus d’entre nous reviennent au naturel, assume leur origines africaines et arrivent à se faire respecter par les personnes d’autres ethnies. Nous n’avons pas besoin du « blanc » pour avancer. Tantôt je ne comprends ces femmes noires qui, à tout pris veulent se marier avec un blanc, croyant qu’en Europe leurs vies seront meilleures. Tantôt je ne comprends pas pourquoi on ne cherche pas à développer notre propre continent, si longtemps exploité et qui continue à être exploité par les occidentaux et les chinois. Je ne sais pas si j’ai la haine de « l’homme blanc ». Mais j’en veux beaucoup aux colons, et aux maîtres d’esclaves. Je sais que les noirs eux-mêmes ont participer à cette catastrophe humaine, même, pour moi, sans cette déshumanisation de « l’homme noir », l’Afrique aujourd’hui connaîtrait un autre destin. Certes, elle ne serait pas aussi développer que l’est l’Europe mais elle aurait su affirmer son propre modèle de vie, peut être plus archaïque mais cela aurait était le modèle africain subsaharien. Maintenant, je vois mon continent d’origine comme un continent « inachevé ». J’en veux aussi à mes confrères de ne pas assez se rebeller face aux politiques désastreuses de nos dictatures chefs africains. Si tout un peuple se rebelle, le tyran ne pourra rien. Mais ce dernier a peur de l’avenir donc laisse faire jusqu’au jour où « Dieu » viendra nous sauvés. Mais non, je pense que NOUS sommes maîtres de nos destins. Malheureusement, je ne suis pas assez riche pour pouvoir construire des écoles afin de permettre aux enfants de se cultiver^, pour que plus tard ils arrêtent de se faire berner par des sois disant « chefs d’Etats ». Mais j’espère qu’un jour je pourrais contribuer construire à l’évolution de notre cher continent… C’est peut être prétentieux et égoïste, mais c’est un projet qui me tient à cœur.

    Désolée, pour la longueur de mon commentaire, en plus je me suis éparpiller du sujet, mais cela me tenais à cœur de dire ce que je viens de poster. J’aimerai aussi connaître votre avis sur tous ce que j’ai écris, afin de voir si je me trompe et surtout pour développer ma pensée.

    Aimé par 2 personnes

    • Merci Aniny pour ce commentaire très pertinent. Il fera sans doute très plaisir à Oumou, l’auteure de ce beau texte! Comme tu le dis si bien,nous devons aimer et valoriser notre héritage culturel africain et en être fiers! L’acceptation de soi est la clé du bonheur et tant que nous je l’aurons pas compris, les choses ne changeront pas et beaucoup de personnes en pâtiront. Je suis contente que ce texte t’ai touchéet j’espère qu’il te permettra de t’accepter pleinement en tant que femme noire !! Bises!

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    • Ton commentaire m’a beaucoup touché et je ne pourrais pas être plus d’accord avec ce que tu as écris! Comme Aïcha t’as répondu, j’espère vraiment que mon texte aura su t’aider à accepter la belle femme noire que tu es.

      Sois fière de ton héritage, de qui tu es et embrasse ton unicité car c’est l’un des plus bels attraits chez une personne!

      Bisous 😘

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