Noire? Pas assez!

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Suite à mon article « Miroir mon beau miroir, dis-moi qui est la plus belle? » dans lequel j’évoquais mon expérience et mes insécurités de jeune fille noire à la peau foncée, Anne-Marie Befoune m’a contacté car elle souhaitait également partager sur mon blo son vécu de fille noire à la peau claire en Afrique. Voici son récit.

Il y a quelque temps j’ai lu un billet rédigé par Aïchatou du blog Afrofemista. Il traite du ressenti de la femme noire qu’elle est dans une société de Blancs. Aïchatou nous parle de son enfance, des canons beauté « blancs » auxquels elle ne correspond pas, du regard des autres et de ses méfaits sur l’estime de soi.

Je suis Noire. Bien que n’ayant jamais évolué dans une société de Blancs, j’aurai dû m’identifier à certains points abordés, me reconnaître dans certaines expériences, mais ça n’a pas été le cas. Alors j’ai replongé dans mon passé pour comprendre pourquoi je n’avais pas les mêmes séquelles qu’elle et je me suis rendue compte que c’est tout simplement parce que mon histoire est différente. Je suis une femme noire à la peau très claire, et ma couleur de peau m’a valu un parcours différent.

« La Blanche », « la femme rouge », « jaune taxi ». Ce n’est là que certains des surnoms qui m’ont été attribués. Une petite fille noire m’aurait certainement enviée car j’étais ce qui tendait le plus vers l’idéal blanc (hormis mes cheveux irrémédiablement crépus). Ce teint clair ne m’a pourtant pas rendu plus heureuse, tout au contraire.

Il était normal que je sois tout le temps plongée dans mes livres, que je déteste faire la cuisine, que je sois introvertie et que je préfère être toute seule qu’entourée d’autres personnes. « Tu es blanche, tu ne peux qu’agir différemment ». « Il ne te sert à rien de savoir faire quoi que ce soit ou d’étudier tes leçons, tu épouseras certainement un homme riche ».

Tout est devenu vraiment difficile pour moi à partir de mon entrée au collège. Je devais convaincre de  ma « négritude », de mes capacités en tant que fille noire qui devait savoir faire le ménage et la vaisselle ou encore la lessive malgré mes paumes bien trop blanches, mais aussi la fidélité de ma mère à mon père. J’étais trop claire de peau, j’avais certainement un père blanc et riche quelque part. Si mes parents étaient tous les deux Noirs, alors ma mère devrait m’avouer son infidélité. Par la grâce de Dieu je ressemble affreusement à mon père.

Ma vie a forcément toujours été trop facile, je suis forcément issue d’une famille très aisée. Je suis claire de peau, je ne peux qu’être bénie du ciel. Je n’avais pas le droit (et n’ai toujours pas ce droit d’ailleurs !) de partager mes insécurités sur mon physique, mes doutes à propos de moi-même, de ma vie, de mes relations amoureuses, tout simplement parce que je n’avais pas le droit d’en avoir. J’étais claire de peau, j’avais ce dont les autres rêvaient, tout était parfait dans ma réalité, alors je ne devais pas en demander plus. Je me faisais fermer le clapet à tous les coups.

Mêmes les envies de mes amies Noires qui bavaient devant les icônes blanches m’étaient interdites. Pourtant j’étais moi aussi une petite Noire qui voulait elle aussi être blanche. Les interdictions étaient multiples et j’étais victime de moqueries chaque fois que je faisais quelque chose qui ne cadrait pas avec ma blancheur : aller au marché, prendre une moto plutôt qu’un taxi, manger dans une gargote, marcher sous la pluie, me salir… J’étais blanche, je devais être impeccable et incarner l’image que l’on se faisait du Blanc. Le plus difficile a été les railleries des membres de ma famille. Je ne souhaite pas m’étendre là-dessus. J’avouerai juste le fait d’avoir pendant des années détesté ma sœur qui avait le privilège d’être noire et normale, c’est-à-dire parfaite à mes yeux.

Être Noire dans une société de Blancs est difficile à vivre, mais être Noire et claire de peau dans une société de Noirs l’est tout autant. Je me suis sentie diminuée et différente à cause de ma couleur de peau. La moindre émotion exprimée et la moindre différence s’expliquait par le fait que je n’appartenais pas au groupe racial dont je suis pourtant issue. Les Noirs sont marginalisés par les Blancs, les Noirs clairs de peau sont marginalisés par les Noirs. C’est triste à dire, mais nous aussi nous sommes victimes de racisme, mais d’un racisme pire que tous les autres parce que nous sommes rejetés et moqués chez nous par ceux qui sont nous sont chers : nos parents, nos frères, nos amis.

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Une réflexion sur “Noire? Pas assez!

  1. Ooh. Vraiment émouvant.. C’est vrai qu’on ne s’en rend pas compte. La diaspora africaine parle beaucoup du racisme quelle subit au quotidien en Occident, Orient, Asie… Mais en Afrique, dans nos pays respectifs, on parle peu du racisme les uns envers les autres, les métisses, les clairs de peau, les « trop noirs » de peau, ou les gens de telle ethnie par rapport à une autre… Le racisme n’est pas que blanc-noir. Il peut etre noir-noir, blanc-blanc, … et c’est là où je soutiens qu’il ne faut pas résumer la question à la couleur de peau. Discriminer qqn en bien ou (souvent) en mal, c’est un problème de mentalité attardée.

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