BlackHERstorymonth#3 : Paulette Nardal, l’oubliée de la négritude.

Paulette_Nardal

Césaire, Senghor et Damas. Ils sont les chantres de la négritude, les « pères fondateurs » de ce courant panafricain, littéraire et politique né dans les années trente à Paris, et leurs contributions intellectuelles et productions littéraires sont entrées dans la postérité. Voilà ce que nous dit le récit officiel sur la naissance de ce courant majeur. Cependant, ce récit omet de mentionner la contribution importante d’une femme : Paulette Nardal.

Née en 1986 à Saint-Pierre en Martinique, Paulette Nardal est l’aînée de sept filles et est issue d’une famille bourgeoise. En effet, son père Louis Achille est le premier ingénieur noir de l’île. Après avoir achevé ses études secondaires, elle devint institutrice. Puis en 1920, à l’âge de 24 ans, elle décida de quitter la Martinique afin de rejoindre la métropole pour y continuer ses études. Elle s’inscrivit à la Sorbonne pour y étudier l’anglais, devenant ainsi la première femme noire à étudier dans cette université.

Rapidement, Paulette Nardal profita de la diversité des lieux culturels de Paris en se rendant au théâtre, aux expositions et aux concerts. Puis, elle commença à se rendre au Bal Nègre, lieu de divertissement pour les Noirs de la métropole. Bien que son intégration en métropole fut aisée au début, Paulette Nardal se rendit compte très vite du racisme et eu ces mots :  « J’ai pris conscience de ma différence quand on me l’a fait sentir ! ».

Diplômée, elle devint journaliste et se rapproche des auteurs afro-américains issus du mouvement « Harlem Renaissance », qui œuvraient pour le renouveau et la valorisation de la culture noire. Dans son appartement qu’elle partageait avec deux de ses sœurs, Jane et Andrée, Paulette Nardal organisa des réunions littéraires où se croisaient plusieurs intellectuels de la diaspora noire notamment Léopold Sédar Senghor et Aimé Césaire. Le but de ces rencontres était de déconstruire l’image du Noir, héritée de l’esclavage et de la colonisation et d’affirmer la fierté des peuples afro-descendants de la manière suivante:  « Non, le Noir ne cherche pas à ressembler au Blanc, non il n’est pas complexé par sa couleur de peau, ses traits négroïdes, ses cheveux crépus… Le Noir est fier de sa culture, de sa différence, (..).

Ensuite, Paulette accompagnée de sa sœur Andrée et l’écrivain haïtien Léo Sajou fondèrent La Revue du Monde Noir. Cette revue, publiée en français et en anglais, avait pour objectif de  » créer entre les Noirs du monde entier, sans distinction de nationalité un lien intellectuel et moral qui leur permette de mieux se connaître, de s’aimer fraternellement, de défendre plus efficacement leurs intérêts collectifs et d’illustrer leur race ». Cette revue fut un ciment de la négritude et permit aux afro-descendants issus de tous horizons de s’exprimer sur leur condition. En 1932, au bout de six numéros, la revue cessa de paraître en raison de contraintes budgétaires.

Senghor et Césaire reprendront le flambeau et développeront le concept de négritude, initié par Paulette et ses sœurs. A ce sujet, elle eut ces mots emplis d’un certain fatalisme :  » Césaire et Senghor ont repris les idées que nous avons brandies et les ont exprimées avec beaucoup plus d’étincelle. Nous n’étions que des femmes. Nous avons balisé les pistes pour les hommes ».

En plus d’être une femme de lettres, Paulette Nardal fut également engagée en politique. Elle fut secrétaire parlementaire du député martiniquais Joseph Lagrosillière et de Galandou Diouf, député originaire du Sénégal. Elle s’impliqua également de manière active contre l’invasion de l’Ethiopie par Mussolini.

Militante féministe, Paulette Nardal crée en 1945 le Rassemblement Féminin, dans le but de sensibiliser les femmes martiniquaises à la politique et les inciter à faire usage du droit de vote qui leur avait été octroyé récemment. Trois ans plus tard, elle créa une nouvelle revue à destination des femmes intitulée La femme dans la cité. En outre, afin d’améliorer le sort de ses concitoyennes, Paulette Nardal participa à la conctruction de crèches et mit tout en oeuvre afin d’octroyer une aide financière aux filles-mères.

Elle mourut le 16 février 1985 en Martinique à l’âge de 89 ans.

L’histoire de Paulette Nardal est représentative de l’invisibilisation des femmes dans les mouvements panafricains. Celles-ci, en dépit de leurs contributions importantes et de leurs rôles majeurs dans les luttes menées, ont vu leurs apports minorés et leurs idées être spoliées par les hommes. Il n’est donc pas étonnant que les noms de ecs femmes aient été effacés des livres d’histoire et peu à peu des mémoires collectives.

Toutefois, même s’il convient de blâmer l’attitude machiste des hommes qui consiste à ne pas prendre en considération l’importance du rôle des femmes, il est nécessaire que les femmes acceptent de s’affirmer et d’imposer leurs idées dans des milieux masculins. En effet, les propos de Paulette Nardal cités plus haut  » (…) Nous n’étions que des femmes. Nous avons balisé les pistes pour les hommes »révèlent une certaine résignation de sa part car elle  semblait considérer que sa condition de femme ne lui permettait de porter  ses idées.

En tant que femmes noires, nous devons être dans une posture d’auto-détermination afin de pouvoir nous émanciper et nous départir des chaînes et carcans sexistes et racistes. Il nous appartient également de nous soustraire des rapports de domination séculaires qui nous placent dans des positions d’infériorisation tellement ancrées dans nos inconscients que nous finissons par les intérioriser.

Il nous incombe d’oeuvrer avec détermination et persévérance afin de nous faire notre place dans l’Histoire.

Sources :

 

 

 

 

 

 

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Une réflexion sur “BlackHERstorymonth#3 : Paulette Nardal, l’oubliée de la négritude.

  1. Tout savoir sur Paulette Nardal:les éditions L’Harmattan publient en janvier 2019 « Fiertés de femme noire » Entretiens mémoires de Paulette Nardal par Philippe Grollemund (06 80 74 57 69).Précision, elle née , non pas à St Pierre, comme on le lit partout et notamment sur Wikipedia, mais au François, commune de la côte est.J’ajoute que, contrairement à ce qu’on lit aussi par ci par là, elle n’avait pas l’agrégation, elle l’explique dans ce livre… ainsi que sa passion, féministe!

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