« Celles qui attendent » de Fatou Diome.

On ne présente plus Fatou Diome, écrivain française d’origine sénégalaise, qui a fait le buzz ces derniers jours sur les réseaux sociaux grâce à une intervention remarquée sur le plateau de « Ce soir ou jamais » sur France 2. Sa présence sur ce plateau n’est pas fortuite. Le thème de l’immigration lui est très familier car il fut le sujet de plusieurs de ses romans dont celui dont j’ai décidé de vous parler aujourd’hui « Celles qui attendent. 

Résumé

Arame et Bougna, mères, respectivement, de Lamine et Issa, deux émigrés clandestins. Elles ne comptaient plus leurs printemps, mais chacune était la sentinelle vouée et dévouée à la sauvegarde des siens, le pilier qui devait tenir la demeure sur les galeries creusées par l’absence. Mais comment dépeindre la peine d’une mère qui attend son enfant, sans jamais être certaine de le revoir ? Coumba et Daba, quant à elles, humaient leurs premières roses : jeunes, belles, elles rêvaient d’un destin autre que celui de leurs aînées du village. Assoiffées d’amour, d’avenir et de modernité, elles s’étaient lancées, sans réserve, sur une piste du bonheur devenue peu à peu leur chemin de croix. Mariées, respectivement à Issa et Lamine, l’Europe est leur plus grande rivale. Esseulées, elles peuvent rester fidèles à leur chambre vide ou succomber à la tentation. Mais la vie n’attend pas les absents, derrière les émigrés, les amours varient, les secrets de famille affleurent ; les petites et grandes trahisons vont alimenter la chronique sociale du village et déterminer la nature des retrouvailles. Le visage qu’on retrouve n’est pas forcément celui qu’on attendait.
Analyse
Dans cet ouvrage, l’auteure aborde le thème de l’immigration clandestine sous un double prisme. D’une part, le récit se déroule en Afrique et l’auteure se place du côté de ceux qui restent.  D’autre part, l’immigration est évoqué sous un point de vue féminin. Les femmes sont les héroïnes de ce roman. Elles sont mères et épouses et elles subissent l’absence de l’être cher parti à l’aventure pour une vie meilleure.
Elles font preuve de courage, de détermination et de combativité face au vide incommensurable laissé par ceux qui sont partis. L’attente se fait longue. Des jours. Des mois. Des années. Au fur et à mesure, les espoirs suscités par le départ en Europe s’amenuisent et font place au désespoir, à la tristesse et à l’amertume.
Cette souffrance se vit en silence, elle se vit à l’intérieur. On ne la montre pas, on n’en parle pas. La dignité prend le dessus sur ces sentiments inavoués. Ces femmes transcendent la peine qui les dévorent pour continuer à avancer pour leurs familles, leurs enfants et leurs maris partis depuis si longtemps mais qui restent toujours présents, et dont le retour est tant espéré. Elles deviennent pas la force des choses le pilier de leurs familles.
Ce double angle est très intéressant car il permet de comprendre les enjeux sous-jacents à la problématique de l’immigration clandestine. En effet, à travers le roman, on constate que le poids des traditions joue parfois un rôle insoupçonné dans l’immigration. Par exemple, la polygamie, pratiqué au Sénégal, pousse l’une des mères à envoyer son fils en Europe afin de rivaliser avec sa coépouse.
Enfin, Fatou Diome se livre également à une analysetrès critique des enjeux de l’immigration et dénonce dans plusieurs passages le mirage de l’Eldorado européen, les politiques migratoires du Vieux Continent ainsi que la place du continent africain à l’échelle internationale.
Avis
J’ai beaucoup aimé cet ouvrage car il a le mérite de mettre en perspective la problématique de l’immigration, de la contextualiser et surtout de l’analyser, non plus comme un phénomène unidimensionnel, mais multidimensionnel. De l’autre côté de la Méditerranée, le regard posé sur les candidats à l’immigration est souvent étriqué. En effet, ils sont vus comme des homme seuls, ayant fui leurs pays pour des raisons économiques, politiques ou pour cause de conflits. Ils sont départis de leurs histoires, de leurs passés et sont réduits de manière arbitraire à leur statut d’ « immigré ou de « sans -papiers ».
Ce livre permet de démontrer le contraire et de comprendre que les enjeux de l’immigration ne se jouent pas uniquement sur le sol européen mais également sur lieu de départ. Les réalités qui poussent au départ, le vécu de ceux qui restent et qui attendent en voyant parfois leurs espoirs réduits à néant sont exposés et confrontés à la réalité vécue par les migrants en Europe.
Bien évidemment, ce que j’ai le plus apprécié dans l’ouvrage c’est le point de vue féminin. Mettre les femmes au cœur du récit est la force de ce roman car la migration est souvent abordée sous un point de vue uniquement masculin. Cela permet de mieux saisir la manière dont les femmes vivent le départ de leurs proches et surtout de leur donner une voix car elles sont des victimes collatérales de cette immigration.
En effet, la société sénégalaise érige la pudeur en principe sacré en particulier pour les femmes qui s’interdisent de montrer leurs sentiments et doivent faire preuve de dignité à toute épreuve. C’est pour cela que je trouve ce livre essentiel car il fait état de sentiments, d’émotions et de questionnements qui ne sont jamais discutés dans la sphère publique et qui restent tabous.
Enfin, ces femmes, qui vivent des situations de vie peu enviables, font face à cela avec une force et un courage qui forcent le respect. En cela, Fatou Diome aura rendu un bel hommage aux femmes d’Afrique.
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